Amandine Guruceaga
Passage Tissage

Les balcons de l’abbaye – Sain-Bel et Savigny
Lieu-dit Les Moulins

« Un pont entre les époques ». C’est ainsi qu’Amandine Guruceaga a imaginé l’impressionnante sculpture installée à Sain-Bel, à découvrir au cours du circuit intitulé « Les Balcons de l’Abbaye ». Peintre et sculptrice, habituée des recherches hybrides à la croisée des disciplines, du mélange des savoir-faire traditionnels avec des techniques modernes, l’artiste aime à proposer des pièces de grande envergure intégrées au paysage.

Douce et puissante, celle qu’elle a tissée ici guide le marcheur sur le chemin de la mémoire des lieux, convoquant les sens en même temps que la pensée. Une œuvre qu’elle a voulue étirée « dans la longueur, pour permettre au visiteur le déplacement ; avec l’idée de passage, dans l’espace, mais aussi dans la transmission de l’histoire. » L’histoire : celle de la vie rurale et du passé industriel du Pays de L’Arbresle.

C’est le président de l’association des Amis du Vieil Arbresle, Daniel Broutier, qui lui a fait découvrir les métiers à tisser ayant inspiré sa création, reprenant la technique de fabrication du fil d’or dans l’usine réputée pour cela, « Les Fils d’Aimé Fichet ». L’occasion « de connecter [son] travail, très proche du textile, avec une dimension plus sculpturale et très en lien avec le paysage local ».

Un monde sensible

Pour mieux saisir ses enjeux de production, une vidéo making of  est à disposition sur le site des Murmures du temps, ou via un QR code près de l’installation ; mais rien ne vaut l’expérience de l’œuvre. Par le choix des techniques employées, des matériaux utilisés et de sa forme, Passage Tissage incarne une vision du passé dans le monde sentant et palpable qu’est le présent. Ce que le marcheur est invité à suivre et à toucher n’est autre qu’une clôture, nous rappelant la vocation des tout premiers tissages destinés à délimiter les terrains agricoles et contenir le bétail.

Produite avec des chaudronniers, elle est constituée d’une série de poteaux autour desquels sont entourés des feuillards de laiton, tressés en chaîne et trame. Les plaques de métaux sont brûlées, gravées et thermolaquées ; leurs reflets dorés, cuivrés et argentés chatoient sans étinceler, ils allègent le poids de l’ensemble, dont la carrure impose le respect. Issu du recyclage, le métal s’intègre avec bonheur dans l’environnement et promet de vieillir dans la plus grande harmonie. Sa puissance ainsi amadouée, sa force ainsi tissée, donnent à réfléchir sur le rapport de l’homme à la nature et au temps. L’œuvre se lit et se vit comme un hommage à la notion d’héritage. Elle se ressent, s’admire et ouvre la brèche des souvenirs, lance la voie de l’imaginaire le long de ce fil qui relie entre eux les artisans, les paysans, les habitants et leurs habitudes, leurs modes de vie, leurs passions et ce qu’ils ont à chérir : leur patrimoine commun.

LE CONTEXTE PATRIMONIAL

L’industrie textile a durablement marqué les campagnes autour de Lyon. Au Moyen-Âge, le Beaujolais et le Lyonnais tissent la laine et le chanvre, puis le coton au XVIIIe siècle.

Le tissage de la soie  (particulièrement du velours), d’abord cantonné à Lyon, se délocalise au début du XIXe siècle dans les campagnes où les fabricants lyonnais trouvent une main-d’œuvre expérimentée mais plus docile et moins chère. Vers 1850, les premières usines-internats apparaissent dans la région de L’Arbresle et emploient une main-d’œuvre rurale essentiellement féminine. À partir de 1890 apparaissent les métiers mécaniques mus par la vapeur puis par l’électricité. Alternant les périodes de prospérité et de crises, le tissage fera vivre la région jusque dans les années 1960.