Caroline Le Méhauté
Négociation 147 – Intimité du visible

Les balcons de l’abbaye – Sain-Bel et Savigny
Cimetière de Sain-Bel

L’artiste Caroline Le Méhauté précise que « [sa] pratique questionne le rapport de l’homme à son environnement ». Une affirmation modeste à laquelle répond un projet des plus ambitieux, comprenant la conception d’une œuvre esthétique, généreuse dans son processus de création comme dans sa signification. À mi-chemin entre ses deux lieux de résidence que sont Bruxelles et Toulouse, l’artiste travaille depuis déjà deux ans à l’élaboration de ce projet éminemment attaché à la terre du Pays de L’Arbresle. Commencé avec les habitants du territoire par des balades en compagnie de l’artiste et du géologue Frédéric Gaudry – au cours desquelles les participants ont aidé à récolter les roches faisant le support de l’œuvre alors à venir, il se poursuit aujourd’hui avec des ateliers de plantation visant à dépolluer les environs de l’ancienne mine de Sain-Bel. « Une pierre est quelque chose qui paraît inerte ; et pourtant, c’est du vivant », qui interagit avec la terre, l’eau, la végétation, et dont le rythme d’évolution s’appréhende à une échelle bien plus grande que la nôtre : vertigineuse autant que mystérieuse. La démarche artistique de Caroline Le Méhauté relève ainsi d’un engagement scientifique à la fois très pragmatique et volontiers philosophique, ancré dans la conviction que le vivant mérite d’être analysé sous toutes ses facettes pour mieux éprouver le monde et mieux le conserver.

Au cœur du parcours

Mêlant mise à l’honneur du patrimoine et action pour l’environnement, sa création se découvre au gré du circuit intitulé « Les Balcons de l’Abbaye ». Elle prend place dans ce paysage riche en vallons et fait écho au parcours Les Murmures du Temps, nom de l’ensemble des circuits inaugurés cet été. Les cinq verres la composant se tiennent fièrement les unes derrière les autres, chuchotant à qui tend l’oreille l’histoire de la vie fourmillant en ces lieux depuis des temps immémoriaux : « ici, on a 500 millions d’années devant nos yeux », précise l’artiste. Précieux vitraux au travers desquels filtre la lumière, l’installation présente les agrandissements d’échantillons de minéraux observés au microscope après leur réduction en fines lames de roche. Ainsi dévoilée, pleine d’étonnants motifs et éclats, ladite roche devient « tout un monde qui s’offre à nous, une part invisible du vivant ». Rivières d’émaux dont les silhouettes ont été découpées au jet d’eau pour mieux polir les formes de monts familiers, l’œuvre se fond parfaitement aux alentours. Jaillissant du sol, donnant à voir l’image des entrailles de la terre dans toute leur splendeur minérale, elle incarne la poésie du temps littéralement compacté en son sein et révèle non sans émotions l’envoûtante « intimité du visible ».

Article rédigé par Le Petit Bulletin / Cie des Médias